Viendrais-je à bout de cette montagne de « détritus » qui constituent le fond de mon grenier ?
Un jour, ces choses eurent une utilité. Les
gens qui ont traversé ma vie aussi.
Je n’ai jamais aimé jeter, ni les choses,
ni les gens. Pour les gens, ils s’en sont chargé eux-mêmes.
Quant aux choses, leur amorphisme me permettait de les oublier dans
un coin poussiéreux et le trop d’espace faisait le reste.
L’heure des bilans serait-elle arrivée ?
J’ai cru qu’il était plus facile de
commencer par les choses que par les gens (au demeurant moins nombreux que les
choses).
Je me suis fourvoyée.
Voilà des semaines que j’investis le
grenier à la recherche de la clarté poussée par l’aspiration au vide, du moins à
l’espace.
Ces heures se transforment en jours qui se
transforment en mois en années. Les pensées savent si bien extensibiliser les
objets les plus insignifiants, les mots jetés à la hâte sur un bout de papier
froissé par le temps.
Elles savent aussi recréer des ponts
enfouis entre les objets et les êtres.
Cela exige du cerveau ou de l’esprit, selon que l’on croit à la prédominance de l’un sur l’autre, une dépense d’énergie considérable.
Cela exige du cerveau ou de l’esprit, selon que l’on croit à la prédominance de l’un sur l’autre, une dépense d’énergie considérable.
Chaque choix que ce soit le rejet ou la
maintenance est un choix presque shaskespearien : to keep or not to keep,
that’s the problem.
Et je suis seule à pouvoir le résoudre, et
je porte le poids énorme de la responsabilité d’effacer des traces à jamais de
la mémoire.
Même dans leur actuelle insignifiance, ces
choses ont eu un jour leur heure de gloire, ne pas les brusquer en leur
refusant cette grandeur passée, ne pas les bousculer avant leur future mise au
rancart déjà amorcée par l’exil au grenier.
Tant que cet espace dédié à la convivialité
des choses du passé leur servait de refuge, elles pouvaient toujours espérer
qu’un cerveau nostalgique ou une délicate âme d’enfant viendraient les
réhabiliter.
Mais et j’ai honte de leur faire perdre
leurs illusions de choses, il n’y aura dans ces lieux ni cerveau nostalgique ni
âme d’enfant.
Aujourd’hui je suis la seule "grand manitou"
qui prends des décisions irréversibles.
Loin des yeux, loin du cœur et pourtant
…une petite veinule enfouie à l’intérieur de moi juste à l’embrasure de la peau
continue d'attiser un souffle d'émotion nostalgique...